Nantes a longtemps été le cœur battant de la Bretagne. Capitale des ducs, port stratégique sur la Loire, elle a façonné une partie de l’identité bretonne telle qu’on la connaît aujourd’hui. Pourtant, depuis le milieu du XXᵉ siècle, la ville n’appartient plus à la région Bretagne mais aux Pays de la Loire. Une séparation administrative qui continue d’alimenter débats et nostalgie, tant l’attachement à la Bretagne reste fort dans la mémoire nantaise.
Nantes était la capitale du duché de Bretagne
Pendant près d’un millénaire, Nantes a été l’un des piliers de la Bretagne. Dès 851, le comté de Nantes est intégré au royaume breton à la suite du traité d’Angers, scellant un lien politique et culturel qui façonnera durablement l’identité de la ville. Située à la croisée des routes fluviales et maritimes, Nantes est alors la porte d’entrée vers l’océan et carrefour commercial majeur, elle devient rapidement un centre de pouvoir incontournable pour les ducs de Bretagne.
Le château des ducs de Bretagne témoigne de cette époque où la cité nantaise était considérée comme l’une des capitales du duché. Au-delà de son rôle militaire, la forteresse incarne le prestige et l’indépendance du pouvoir breton face au royaume de France.
Cette indépendance prendra fin en 1532 avec l’union officielle de la Bretagne à la France. L’acte scelle la disparition du duché, mais Nantes conserve une place centrale dans la vie économique bretonne. Port actif sur la Loire, elle devient un moteur du commerce et de l’artisanat, tout en gardant dans ses pierres et ses traditions le souvenir de son passé ducal. Les remparts, les ruelles médiévales et les armoiries disséminées dans la ville rappellent encore aujourd’hui que Nantes fut, bien avant tout, une grande cité bretonne.
Époque | Statut de la Bretagne | Situation de Nantes |
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Avant 1790 | Province du royaume de France | Appartient à la Bretagne |
1790 | Création des départements | Devient Loire-Inférieure |
1941 | Vichy crée les régions | Détachée de la Bretagne, rattachée à Angers |
1972 à 1976 | Naissance des régions actuelles | Intégrée aux Pays de la Loire |
Aujourd’hui | Région Bretagne (4 départements) | En dehors, mais historiquement bretonne |
La Révolution abolit les provinces
La Révolution française marque un tournant décisif pour Nantes et pour la Bretagne tout entière. En 1790, les provinces sont abolies au profit des départements afin de rompre avec l’Ancien Régime et d’uniformiser l’administration du pays. C’est à cette occasion que naît la Loire-Inférieure (ancêtre de l’actuelle Loire-Atlantique) regroupant Nantes et son arrière-pays. Ce changement consacre la première séparation officielle entre la Bretagne historique et le pays nantais.
Les révolutionnaires cherchaient à bâtir une France centralisée, plus rationnelle et plus égalitaire. Les limites des départements ont donc été tracées selon des critères géographiques et pratiques, sans égard pour les réalités culturelles ou les identités régionales. En effaçant les anciennes provinces, ils ont aussi gommé des siècles d’histoire commune. Nantes cesse alors d’être administrativement bretonne, même si son ancrage historique et culturel ne s’effacera jamais complètement.
L’histoire s’écrit sans les Nantais
Le véritable basculement se produit en 1941, sous le régime de Vichy. Dans une France occupée, le gouvernement de Pétain réorganise le territoire pour renforcer le contrôle administratif des régions. La Loire-Inférieure est alors rattachée à une nouvelle entité régionale centrée sur Angers. Cette décision détache officiellement Nantes de la Bretagne administrative. À l’époque, la mesure paraît provisoire, mais elle scelle en réalité une séparation durable entre la Loire et la péninsule bretonne.
Lorsque la guerre prend fin, la réforme de Vichy est censée disparaître avec le régime qui l’a instaurée. Pourtant, la carte régionale reste inchangée. Par souci de continuité et de simplicité administrative, les gouvernements successifs conservent ce découpage hérité de la guerre. Dans les années 1970, il prend une forme définitive avec la création de la région Pays de la Loire dont Nantes devient la capitale. Ce choix administratif a transformé une décision temporaire en frontière durable entre la Bretagne historique et la Bretagne d’aujourd’hui.
Nantes reste profondément liée à la Bretagne
Malgré la séparation administrative, le lien entre Nantes et la Bretagne n’a jamais disparu. Dans les rues, dans les traditions et jusque dans la mémoire collective, l’identité bretonne reste profondément ancrée. Les drapeaux Gwenn ha Du, les bagadoù, les fest-noz ou encore les festivals celtiques rythment la vie locale et rappellent que la culture bretonne dépasse largement les frontières tracées sur les cartes. Pour beaucoup d’habitants, se sentir Nantais et Breton à la fois n’a rien d’incompatible et c’est même une évidence. Plusieurs sondages récents montrent qu’une large majorité des habitants de Loire-Atlantique revendiquent toujours une appartenance bretonne.

Ce sentiment trouve aussi une expression politique et associative à travers le mouvement pour la réunification de la Bretagne. De nombreuses organisations comme Bretagne Réunie ou 44=Breizh militent pour un retour de la Loire-Atlantique au sein de la région Bretagne. Leurs arguments reposent autant sur l’histoire et la culture que sur la cohérence économique et territoriale. Le rattachement est régulièrement évoqué dans le débat public, mais reste freiné par des considérations politiques et administratives, redessiner les frontières régionales impliquerait une réforme nationale complexe. Pourtant, le sujet revient sans cesse, porté par une population qui refuse d’oublier que Nantes fut pendant des siècles l’un des cœurs battants de la Bretagne.